Le Corbusier - Charles-Édouard Jeanneret-Gris - 1887 / 1965
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Le Corbusier - Charles-Édouard Jeanneret-Gris - 1887 / 1965
Charles-Édouard Jeanneret-Gris, né le 6 octobre 1887 à La Chaux-de-Fonds, dans le canton de Neuchâtel, en Suisse, et mort le 27 août 1965 (à 77 ans) à Roquebrune-Cap-Martin, plus connu sous le pseudonyme de « Le Corbusier », est un architecte, urbaniste, décorateur, peintre, sculpteur et homme de lettres, suisse de naissance et naturalisé français en 19301.
C'est l'un des principaux représentants du mouvement moderne avec, entre autres, Ludwig Mies van der Rohe, Walter Gropius, Alvar Aalto et Theo van Doesburg.
Le Corbusier a également œuvré dans l'urbanisme et le design. Il est connu pour être l'inventeur de « l'unité d'habitation », concept sur lequel il a commencé à travailler dans les années 19202, expression d'une réflexion théorique sur le logement collectif. « L’unité d’habitation de grandeur conforme » (nom donné par Le Corbusier) ne sera construite qu'au moment de la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, en cinq exemplaires tous différents, à Marseille, Briey-en-Forêt, Rezé, Firminy et Berlin. Elle prendra valeur de solution aux problèmes de logements de l'après-guerre. Sa conception envisage dans un même bâtiment tous les équipements collectifs nécessaires à la vie — garderie, laverie, piscine, école, commerces, bibliothèque, lieux de rencontre.
L'usage a tendance à préférer « de Le Corbusier » lorsque l'on se réfère à l'architecte, et « du Corbusier » lorsque l'on se réfère à l'immeuble d'habitation3
Biographie
Charles-Édouard Jeanneret est, par son père, le descendant d'une lignée d'artisans, protestants émigrés du sud-ouest de la France, et par sa mère, de famille d'industriels essentiellement horlogers de Suisse, du nord de la France et de la Belgique. Parmi ces derniers, la branche maternelle du côté des Perret qui a le patronyme belge « Corbésier »4, influencera un des divers noms de plume dès 1920 utilisés dans la rédaction de L'Esprit nouveau, l'unique revue du courant puriste qu'il anime avec Ozenfant. Il semble que ce soit le totem indien du corbeau ou Corbu qui transforme ce nom en Le Corbusier.
Dans un entretien donné chez lui à Boulogne, deux mois avant sa mort, Le Corbusier se remémorait sa décision de prendre un pseudonyme : « si l’on doit parler d’architecture, je veux bien le faire, mais je ne veux pas le faire sous le nom de Jeanneret. J’ai dit « j’prendrai le nom de… d’un grand… d’un ancêtre maternel, Le Corbusier, et je signerai mes articles d’architecture Le Corbusier »5.
1900-1916 : formation, premières réalisations et voyages
En 1900, Charles-Édouard entame une formation de graveur-ciseleur à l'école d'art de La Chaux-de-Fonds dans le canton de Neuchâtel en Suisse. Il suit les traces de son père, émailleur de cadran et chef d'une petite entreprise spécialisée dans une filière spécifique de l'industrie horlogère jurassienne, en particulier la confection de montres et des boitiers qui les protègent. L'élève-artisan réalise sa première gravure à quinze ans, obtenant une première récompense à l'exposition des arts décoratifs de Turin en 1902. Mais l'évolution catastrophique de sa vue – il ne voit que d'un œil6 – ne lui permet plus d'envisager la poursuite de cette formation, encore moins d'espérer faire carrière. Charles-Édouard désire devenir artiste peintre. Le professeur de dessin, directeur de l'école, Charles L'Eplattenier, émule de l'Art nouveau, l'accueille dans son cours de dessin d'art, mais, ne percevant pas son talent, le dirige vers l'architecture et la décoration en 1904. Il l'invite avec deux autres élèves à participer à la réalisation d'une maison sous l'égide de l'architecte Chapallaz, en particulier la décoration de sa première villa à l'âge de dix-sept ans.
Dès 1909, au terme d'un voyage de fin d'étude en Italie, en Autriche, avec retour par l'Allemagne du Sud et la France de l'Est, il visite Paris et rencontre Eugène Grasset, architecte spécialiste de la décoration dont le livre a constitué la base de sa formation d'architecte-décorateur (il n'en a pourtant pas le diplôme). Sur les conseils d'Eugène Grasset, il apprend les premiers rudiments du dessin technique concernant l'architecture en béton armé en travaillant quelques mois à Paris comme dessinateur chez les frères Perret, industriels du bâtiment spécialisés dans des constructions techniques en France. Il rencontre le dernier fils de la fratrie qui est l'architecte de la maison par nécessité, Auguste Perret. En 1910, il est chargé, en tant que jeune professeur, par son école d'art d'une mission d'étude sur l'évolution des rapports entre industrie et arts du bâtiments en Allemagne. Au terme des rencontres et des colloques prévus, il gagne Berlin et se fait embaucher quelques mois comme dessinateur dans la grande agence dirigée par Peter Behrens. Il est un simple collègue, parmi d'autres dessinateurs ou architectes novices embauchés, de Ludwig Mies Van Der Rohe et Walter Gropius. Ses gains salariaux lui permettent d'accompagner vers la Roumanie et la Grèce son ami Klipstein qui prépare une thèse sur le peintre Le Gréco.
Le Corbusier, dans une publication posthume intitulée Voyage d'Orient, relate ce lent périple, tantôt à pied, tantôt en voiture, tantôt en train, tantôt en bateau, entamé en mai 1911 par celui qui est encore Charles-Édouard Jeanneret. Voici Prague, Vienne, Budapest, Istanbul, jusqu'à Athènes en Grèce. Voici aussi les fascinants paysages du Danube et des Balkans avant les rivages de la mer Égée. Tout particulièrement il est captivé par les maisons traditionnelles de Roumanie et de Bulgarie, les formes architecturales d'Istanbul, les ruines blanches de l'Acropole, la conception des monastères perchés du nord de la Grèce, en particulier du mont Athos. Le voyage inspire sa première philosophie d'architecte. Il décide de rentrer en revoyant l'Italie qu'il apprécie depuis son premier voyage, Pise, Florence, le monastère d'Ema en Toscane et nombre de villes chargées d'histoire et d'œuvres d'art en Italie. Durant ce voyage, il remplit six carnets de dessins dont il se servira à de nombreuses reprises pour illustrer ses propos et ses publications. Il écrit aussi déjà des textes sur sa pérégrination à destination des journaux de sa ville natale.
De retour à La Chaux-de-Fonds, le jeune professeur s'engage dans la rénovation de son école, elle échoue et il démissionne début 1914. Il s'empresse de passer l'examen fédéral de dessinateur, pour ne pas être sans diplôme officiel. Après quelques missions d'expert décorateur du bâtiment auprès des instances fédérales helvétiques, il décide de s'établir librement comme architecte. Il a déjà construit la villa Jeanneret-Perret (plan de 1912), dite « Maison Blanche », pour ses parents, même si l'industriel Favre-Jacot, effrayé du retard et du dépassement du coût prévu, lui a retiré la réalisation de sa villa au profit de l'architecte Chapallaz.
Avant le début des hostilités en 1914, il visite l'exposition du Werkbund à Cologne. Il en revient avec un projet de cité-jardin pour La Chaux-de-Fonds. Les terribles destructions de Reims au début du conflit mondial stimulent son imagination pour reconstruire la ville, avec le système Dom-Ino.
Malgré un lancement publicitaire intense, l'agence d'architecture Jeanneret vivote et son architecte est contraint d'exercer son œil exercé de décorateur dans de menus services plus lucratifs, par exemple comme employé saisonnier dans le commerce de meubles d'occasion venant de France pendant la Guerre. En 1916, il construit la villa Schwob, dite aussi « villa Turque »7. Mais, soucieux de bien construire, il dépasse le prix du devis de construction. De multiples tracas exaspèrent le jeune architecte, les fuites dans la toiture en béton dont il a revêtu un cinéma de La-Chaux-de-Fonds et les impayés de son agence. En 1917, les dirigeants de l'usine Bayard lui confient la réalisation d'une cité-jardin à Saint-Nicolas-d'Aliermont8,9, il en dessine les plans, réalise des croquis et construit une maison à titre d'essai10. Mais là encore, à la suite de problèmes techniques, le projet s'arrête.
En 1917, le jeune architecte végétant sans véritable clientèle rêve de participer à la reconstruction de la France dont il anticipe la victoire. Il a des projets plein la tête, pour (re)construire en série et à faibles coûts dans un grand pays. Paris est aussi une capitale de l'art et de la culture, il y a étudié avec joie en 1910, mais il n'a pas rencontré les milieux artistiques. Dès qu'il le peut, l'apprenti architecte presque trentenaire, artiste dans l'âme, fasciné par les machines et la vitesse, s'engage à transférer son petit cabinet d'architecte à Paris.
1917-1925 : l'aventure artistique du purisme
Dès 1917, il habite rue Jacob à Paris. Il fonde rue d'Astorg un premier atelier d'architecture, inscrit au registre administratif sous le nom de société d'entreprise industrielle et d'étude. Auguste Perret le présente aussitôt à Amédée Ozenfant, qui l'initie à la peinture à l'huile. Ensemble, ils jettent les bases en 1918 du purisme, courant artistique proposant un retour à l'ordre, opposé aux dérives de l'art avant la déflagration mondiale, en particulier stigmatisant le cubisme (lire les propos acides sur le cubisme dans le livre manifeste « Après le cubisme », 1918) ou les excès futuristes. Il expose ses deux premières toiles galerie Thomas avec celles d'Ozenfant. La peinture doit être pure, autant au niveau de la morale que par sa simplicité. L'art a vocation à être rationnel, l'abstraction fruit d'une application ordonnée et rigoureuse appelle un langage normalisé de forme géométrique élémentaire, des constructions proscrivant a priori la figuration humaine, acceptant des couleurs types. L'art doit engendrer un émoi vibrant et réveiller l'esprit avec sobriété. L'exubérance et surtout l'exhibitionnisme sont condamnés.
L'émotion et les sens sont intimement rapprochés par la saisie intellectuelle. C'est ce qui frappe d'emblée ceux qui découvrent l'explication corbuséenne avec la réalisation concrète. Naît ainsi une gamme de sentiments de pensée, qui n'est pas sans correspondance avec l'effet de la musique.
Pourtant l'avant-garde créatrice ne permet pas à Charles-Édouard de vivre décemment. C'est pourquoi il travaille dès qu'il le peut en tant que dessinateur pour l'entreprise de bâtiment des frères Perret. Il multiplie les fonctions précaires de responsables techniques ou d'agent administratif dans l'industrie du bâtiment. Au sortir de la guerre, en 1919, il devient même directeur d'une entreprise de matériaux en banlieue parisienne. Mais celle-ci fait rapidement faillite.
Les deux compères rejoints par un ami poète définissent le sens du nouveau mouvement d'avant-garde qu'ils inventent en détail dans leur revue L'Esprit Nouveau dès 1920. Très vite, pour remplir les colonnes vides de la revue à diffusion confidentielle, le peintre actif et écrivain prolifique Jeanneret s'échine à rédiger de nombreux articles manifestes sur l'homme moderne : « Les œuvres sont rendues lisibles par des formes simples et dépouillées, organisées en constructions ordonnées, génératrices d'harmonie. »
C'est au lancement de cette revue en 1920 qu'il utilise pour la première fois son pseudonyme « Le Corbusier », qui est une adaptation du nom de son ancêtre du côté maternel « Lecorbésier », d'origine albigeoise11. Il continue quand même à utiliser son nom pour signer certains de ses articles dans cette même revue de façon à faire diversion sur le nombre théorique de contributeurs.
Ozenfant expose quelques toiles dans le Pavillon de l'Esprit nouveau, éphémère construction de Le Corbusier à l'occasion de l'Exposition internationale des Arts décoratifs (expositions universelles de Paris) en 1925. Mais déjà, Charles-Edouard Jeanneret accaparé par les créations architecturales ou d'équipement du logis, comme par les violentes polémiques sur l'architecture moderne et l'art décoratif fréquente avec plus de réticence le peintre Ozenfant. Il ne dévoile plus sa peinture au public et Ozenfant juge mal son évolution picturale, cette phase de réaction poétique qui le rapproche des productions d'un Léger et d'un Picasso auxquels il accorde une amitié durable, bientôt suivie d'une attirance vers le saugrenu message surréaliste. Ne prend-il pas les objets trouvés, coquillages, bois, os, fossiles, cailloux, pommes de pins pour composer ses tableaux de collages ? Et ces dessins commencent à rechercher les courbes sensuelles du corps féminin ? La brouille entre les créateurs du purisme s'enfle ainsi irrémédiable après 1925.
C'est l'un des principaux représentants du mouvement moderne avec, entre autres, Ludwig Mies van der Rohe, Walter Gropius, Alvar Aalto et Theo van Doesburg.
Le Corbusier a également œuvré dans l'urbanisme et le design. Il est connu pour être l'inventeur de « l'unité d'habitation », concept sur lequel il a commencé à travailler dans les années 19202, expression d'une réflexion théorique sur le logement collectif. « L’unité d’habitation de grandeur conforme » (nom donné par Le Corbusier) ne sera construite qu'au moment de la reconstruction après la Seconde Guerre mondiale, en cinq exemplaires tous différents, à Marseille, Briey-en-Forêt, Rezé, Firminy et Berlin. Elle prendra valeur de solution aux problèmes de logements de l'après-guerre. Sa conception envisage dans un même bâtiment tous les équipements collectifs nécessaires à la vie — garderie, laverie, piscine, école, commerces, bibliothèque, lieux de rencontre.
L'usage a tendance à préférer « de Le Corbusier » lorsque l'on se réfère à l'architecte, et « du Corbusier » lorsque l'on se réfère à l'immeuble d'habitation3
Biographie
Charles-Édouard Jeanneret est, par son père, le descendant d'une lignée d'artisans, protestants émigrés du sud-ouest de la France, et par sa mère, de famille d'industriels essentiellement horlogers de Suisse, du nord de la France et de la Belgique. Parmi ces derniers, la branche maternelle du côté des Perret qui a le patronyme belge « Corbésier »4, influencera un des divers noms de plume dès 1920 utilisés dans la rédaction de L'Esprit nouveau, l'unique revue du courant puriste qu'il anime avec Ozenfant. Il semble que ce soit le totem indien du corbeau ou Corbu qui transforme ce nom en Le Corbusier.
Dans un entretien donné chez lui à Boulogne, deux mois avant sa mort, Le Corbusier se remémorait sa décision de prendre un pseudonyme : « si l’on doit parler d’architecture, je veux bien le faire, mais je ne veux pas le faire sous le nom de Jeanneret. J’ai dit « j’prendrai le nom de… d’un grand… d’un ancêtre maternel, Le Corbusier, et je signerai mes articles d’architecture Le Corbusier »5.
1900-1916 : formation, premières réalisations et voyages
En 1900, Charles-Édouard entame une formation de graveur-ciseleur à l'école d'art de La Chaux-de-Fonds dans le canton de Neuchâtel en Suisse. Il suit les traces de son père, émailleur de cadran et chef d'une petite entreprise spécialisée dans une filière spécifique de l'industrie horlogère jurassienne, en particulier la confection de montres et des boitiers qui les protègent. L'élève-artisan réalise sa première gravure à quinze ans, obtenant une première récompense à l'exposition des arts décoratifs de Turin en 1902. Mais l'évolution catastrophique de sa vue – il ne voit que d'un œil6 – ne lui permet plus d'envisager la poursuite de cette formation, encore moins d'espérer faire carrière. Charles-Édouard désire devenir artiste peintre. Le professeur de dessin, directeur de l'école, Charles L'Eplattenier, émule de l'Art nouveau, l'accueille dans son cours de dessin d'art, mais, ne percevant pas son talent, le dirige vers l'architecture et la décoration en 1904. Il l'invite avec deux autres élèves à participer à la réalisation d'une maison sous l'égide de l'architecte Chapallaz, en particulier la décoration de sa première villa à l'âge de dix-sept ans.
Dès 1909, au terme d'un voyage de fin d'étude en Italie, en Autriche, avec retour par l'Allemagne du Sud et la France de l'Est, il visite Paris et rencontre Eugène Grasset, architecte spécialiste de la décoration dont le livre a constitué la base de sa formation d'architecte-décorateur (il n'en a pourtant pas le diplôme). Sur les conseils d'Eugène Grasset, il apprend les premiers rudiments du dessin technique concernant l'architecture en béton armé en travaillant quelques mois à Paris comme dessinateur chez les frères Perret, industriels du bâtiment spécialisés dans des constructions techniques en France. Il rencontre le dernier fils de la fratrie qui est l'architecte de la maison par nécessité, Auguste Perret. En 1910, il est chargé, en tant que jeune professeur, par son école d'art d'une mission d'étude sur l'évolution des rapports entre industrie et arts du bâtiments en Allemagne. Au terme des rencontres et des colloques prévus, il gagne Berlin et se fait embaucher quelques mois comme dessinateur dans la grande agence dirigée par Peter Behrens. Il est un simple collègue, parmi d'autres dessinateurs ou architectes novices embauchés, de Ludwig Mies Van Der Rohe et Walter Gropius. Ses gains salariaux lui permettent d'accompagner vers la Roumanie et la Grèce son ami Klipstein qui prépare une thèse sur le peintre Le Gréco.
Le Corbusier, dans une publication posthume intitulée Voyage d'Orient, relate ce lent périple, tantôt à pied, tantôt en voiture, tantôt en train, tantôt en bateau, entamé en mai 1911 par celui qui est encore Charles-Édouard Jeanneret. Voici Prague, Vienne, Budapest, Istanbul, jusqu'à Athènes en Grèce. Voici aussi les fascinants paysages du Danube et des Balkans avant les rivages de la mer Égée. Tout particulièrement il est captivé par les maisons traditionnelles de Roumanie et de Bulgarie, les formes architecturales d'Istanbul, les ruines blanches de l'Acropole, la conception des monastères perchés du nord de la Grèce, en particulier du mont Athos. Le voyage inspire sa première philosophie d'architecte. Il décide de rentrer en revoyant l'Italie qu'il apprécie depuis son premier voyage, Pise, Florence, le monastère d'Ema en Toscane et nombre de villes chargées d'histoire et d'œuvres d'art en Italie. Durant ce voyage, il remplit six carnets de dessins dont il se servira à de nombreuses reprises pour illustrer ses propos et ses publications. Il écrit aussi déjà des textes sur sa pérégrination à destination des journaux de sa ville natale.
De retour à La Chaux-de-Fonds, le jeune professeur s'engage dans la rénovation de son école, elle échoue et il démissionne début 1914. Il s'empresse de passer l'examen fédéral de dessinateur, pour ne pas être sans diplôme officiel. Après quelques missions d'expert décorateur du bâtiment auprès des instances fédérales helvétiques, il décide de s'établir librement comme architecte. Il a déjà construit la villa Jeanneret-Perret (plan de 1912), dite « Maison Blanche », pour ses parents, même si l'industriel Favre-Jacot, effrayé du retard et du dépassement du coût prévu, lui a retiré la réalisation de sa villa au profit de l'architecte Chapallaz.
Avant le début des hostilités en 1914, il visite l'exposition du Werkbund à Cologne. Il en revient avec un projet de cité-jardin pour La Chaux-de-Fonds. Les terribles destructions de Reims au début du conflit mondial stimulent son imagination pour reconstruire la ville, avec le système Dom-Ino.
Malgré un lancement publicitaire intense, l'agence d'architecture Jeanneret vivote et son architecte est contraint d'exercer son œil exercé de décorateur dans de menus services plus lucratifs, par exemple comme employé saisonnier dans le commerce de meubles d'occasion venant de France pendant la Guerre. En 1916, il construit la villa Schwob, dite aussi « villa Turque »7. Mais, soucieux de bien construire, il dépasse le prix du devis de construction. De multiples tracas exaspèrent le jeune architecte, les fuites dans la toiture en béton dont il a revêtu un cinéma de La-Chaux-de-Fonds et les impayés de son agence. En 1917, les dirigeants de l'usine Bayard lui confient la réalisation d'une cité-jardin à Saint-Nicolas-d'Aliermont8,9, il en dessine les plans, réalise des croquis et construit une maison à titre d'essai10. Mais là encore, à la suite de problèmes techniques, le projet s'arrête.
En 1917, le jeune architecte végétant sans véritable clientèle rêve de participer à la reconstruction de la France dont il anticipe la victoire. Il a des projets plein la tête, pour (re)construire en série et à faibles coûts dans un grand pays. Paris est aussi une capitale de l'art et de la culture, il y a étudié avec joie en 1910, mais il n'a pas rencontré les milieux artistiques. Dès qu'il le peut, l'apprenti architecte presque trentenaire, artiste dans l'âme, fasciné par les machines et la vitesse, s'engage à transférer son petit cabinet d'architecte à Paris.
1917-1925 : l'aventure artistique du purisme
Dès 1917, il habite rue Jacob à Paris. Il fonde rue d'Astorg un premier atelier d'architecture, inscrit au registre administratif sous le nom de société d'entreprise industrielle et d'étude. Auguste Perret le présente aussitôt à Amédée Ozenfant, qui l'initie à la peinture à l'huile. Ensemble, ils jettent les bases en 1918 du purisme, courant artistique proposant un retour à l'ordre, opposé aux dérives de l'art avant la déflagration mondiale, en particulier stigmatisant le cubisme (lire les propos acides sur le cubisme dans le livre manifeste « Après le cubisme », 1918) ou les excès futuristes. Il expose ses deux premières toiles galerie Thomas avec celles d'Ozenfant. La peinture doit être pure, autant au niveau de la morale que par sa simplicité. L'art a vocation à être rationnel, l'abstraction fruit d'une application ordonnée et rigoureuse appelle un langage normalisé de forme géométrique élémentaire, des constructions proscrivant a priori la figuration humaine, acceptant des couleurs types. L'art doit engendrer un émoi vibrant et réveiller l'esprit avec sobriété. L'exubérance et surtout l'exhibitionnisme sont condamnés.
L'émotion et les sens sont intimement rapprochés par la saisie intellectuelle. C'est ce qui frappe d'emblée ceux qui découvrent l'explication corbuséenne avec la réalisation concrète. Naît ainsi une gamme de sentiments de pensée, qui n'est pas sans correspondance avec l'effet de la musique.
Pourtant l'avant-garde créatrice ne permet pas à Charles-Édouard de vivre décemment. C'est pourquoi il travaille dès qu'il le peut en tant que dessinateur pour l'entreprise de bâtiment des frères Perret. Il multiplie les fonctions précaires de responsables techniques ou d'agent administratif dans l'industrie du bâtiment. Au sortir de la guerre, en 1919, il devient même directeur d'une entreprise de matériaux en banlieue parisienne. Mais celle-ci fait rapidement faillite.
Les deux compères rejoints par un ami poète définissent le sens du nouveau mouvement d'avant-garde qu'ils inventent en détail dans leur revue L'Esprit Nouveau dès 1920. Très vite, pour remplir les colonnes vides de la revue à diffusion confidentielle, le peintre actif et écrivain prolifique Jeanneret s'échine à rédiger de nombreux articles manifestes sur l'homme moderne : « Les œuvres sont rendues lisibles par des formes simples et dépouillées, organisées en constructions ordonnées, génératrices d'harmonie. »
C'est au lancement de cette revue en 1920 qu'il utilise pour la première fois son pseudonyme « Le Corbusier », qui est une adaptation du nom de son ancêtre du côté maternel « Lecorbésier », d'origine albigeoise11. Il continue quand même à utiliser son nom pour signer certains de ses articles dans cette même revue de façon à faire diversion sur le nombre théorique de contributeurs.
Ozenfant expose quelques toiles dans le Pavillon de l'Esprit nouveau, éphémère construction de Le Corbusier à l'occasion de l'Exposition internationale des Arts décoratifs (expositions universelles de Paris) en 1925. Mais déjà, Charles-Edouard Jeanneret accaparé par les créations architecturales ou d'équipement du logis, comme par les violentes polémiques sur l'architecture moderne et l'art décoratif fréquente avec plus de réticence le peintre Ozenfant. Il ne dévoile plus sa peinture au public et Ozenfant juge mal son évolution picturale, cette phase de réaction poétique qui le rapproche des productions d'un Léger et d'un Picasso auxquels il accorde une amitié durable, bientôt suivie d'une attirance vers le saugrenu message surréaliste. Ne prend-il pas les objets trouvés, coquillages, bois, os, fossiles, cailloux, pommes de pins pour composer ses tableaux de collages ? Et ces dessins commencent à rechercher les courbes sensuelles du corps féminin ? La brouille entre les créateurs du purisme s'enfle ainsi irrémédiable après 1925.
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Re: Le Corbusier - Charles-Édouard Jeanneret-Gris - 1887 / 1965
1922-1931 : au temps des « villas blanches »
En 1922, la venue à Paris de son cousin, le jeune architecte et futur designer Pierre Jeanneret lui permet de trouver un solide associé pour relancer son activité d'architecte, son entreprise rue d'Astorg ayant fait faillite l'année précédente. Les deux cousins suisses installent leur agence commune au premier étage dans un long couloir de 50 mètres, soustrait à la partie supérieure d'un ancien vaste cloître d'un couvent jésuite, c'est l'atelier 35 S rue de Sèvres qui restera l'unique atelier architectural de Le Corbusier sa vie professionnelle durant. Pour faire connaître leur agence, Charles-Édouard publie dans un livre une sélection des textes sur l'architecture parus dans la revue puriste, signée Le Corbusier. Le livre anti-académique, farouchement contre le décor dégradant la forme et les cinq ordres de l'architecture pontifiante, est un succès éditorial qui surpasse l'aura avant-gardiste de la revue puriste.
La décennie 1920-1930 le voit réaliser un ensemble remarquable de projets de villas, d'ateliers ou d'habitations manifestes, construites ou non, où l'on voit se formaliser les éléments du langage architectural corbuséen12. On peut citer en une liste non exhaustive :
le projet de ville contemporaine de trois millions d'habitants, présenté au salon d'Automne à Paris en 1922
la Villa Ker-Ka-Ré aussi appelée Villa Besnus, à Vaucresson, sa première réalisation française livrée en 1923 à un couple de rentiers retraités
la maison-atelier Ozenfant pour son ami peintre, à Paris, également livré en 1923
le lotissement de Lège, six maisons ouvrières réalisées à Lège-Cap-Ferret à l'invitation de l'industriel bordelais Henri Frugès
la Villa Le Lac à Corseaux au bord du lac Léman, commandée par ses parents, construite en 1924. Sa mère y réside seule trente années, après la disparition du père avant la fin des années 1920
la Villa La Roche (1923-1925), pour le collectionneur et banquier Raoul La Roche. Le bâtiment comprend un appartement destiné à la famille de son frère pianiste, Alfred Jeanneret. Elle est l'actuelle Fondation Le Corbusier, à Paris.
les ateliers des sculpteurs Lipchitz-Miestchaninoff, livrés en 1925 à Boulogne-Billancourt
la réalisation en 1925 du Pavillon de l'Esprit nouveau, à l'occasion de l'Exposition internationale des Arts décoratifs (Expositions universelles de Paris)
le projet du Plan Voisin pour Paris en 1925
la Cité Frugès à Pessac est composé de 50 logements dans le quartier moderne de Pessac, commandés en 1924 par le promoteur Henri Frugès et construits en 1926. L'absence de viabilisation du quartier entraîne la faillite du promoteur.
la maison du peintre René Guiette à Anvers en 1926
la villa du couple Ternisien, musiciens et artistes, à Boulogne-Billancourt, achevée en 1926.
Cette série culmine avec plusieurs études et(ou) réalisations remarquables entre 1927 et 1929 :
Deux unités d'habitations dans la cité expérimentale du Weissenhof, conçue en 1926 et construite en 1927 sous l'égide du Deutscher Werkbund, près de Stuttgart. Il publie une plaquette en allemand exposant la base de son travail avec les « cinq points d'une architecture moderne ».
la villa du sculpteur Planeix boulevard Masséna à Paris en 1927,
le pavillon Nestlé à la foire de Paris en 1927,
la participation au concours international pour le siège de la SDN sur les rives du lac à Genève,
la Villa Stein, connue aussi sous le nom de « villa les terrasses », livrée vers 1929 à Garches. Cette maison, remaniée à plusieurs reprises, fut dénaturée par une division en appartements,
la Villa Church, à Ville-d'Avray, en 1927 ensuite détruite.
la Villa Savoye, (1928-1931, Poissy) application littérale des « cinq points d'une architecture moderne », la plus remarquable de cette période, et qui aura une influence considérable dans l'histoire de l'architecture.
le projet du Mundaneum, centre de culture mondiale à Genève. Non réalisé, il expose déjà le principe du plan du musée à croissance illimitée en 1939, qui influence l'architecture muséale des dernières décennies de sa vie, à Ahmedabad, Chandigarh ou Tokyo.
le siège du Centrosoyus (1928-1935), siège de l'union des coopératives de l'URSS, à Moscou. Architectes et ingénieurs soviétiques réalisent la construction.
l'appartement Beistegui, construit en surélévation d'un immeuble des Champs-Élysées, à Paris, livré en 1933 et détruit depuis.
Le Corbusier conçoit son métier d'architecte de façon moderne : construire nécessite une mise en œuvre rigoureuse, autant qu'une mise à l'épreuve d'idées architecturales qui, en dehors des volumes et des formes conçues par une pensée nécessairement « mathématique », n'excluent nullement la façon d'habiter (et donc le mobilier et l'agencement des espaces) et le cadre de vie urbain et paysager dans son ensemble. Il mène ainsi une réflexion théorique sur l'urbanisme, avec des projets qui provoquent parfois de violentes polémiques comme le plan Voisin en 1925, dans lequel il propose de ré-urbaniser Paris, en détruisant les habitations le long des quais et du centre (sauf les monuments historiques reconnus) pour y construire de vastes immeubles gratte-ciel. L'atelier 35 rue de Sèvres accueille les jeunes architectes de passage dans la capitale ainsi que des étudiants et stagiaires qui se prépare à leur vie professionnelle, les plus familiers sont souvent étrangers, mais les périodes de travail sont courtes, parfois renouvelées. Il y a aussi des jeunes dessinateurs amateurs, voire des jeunes artistes ou des inventeurs-bricoleurs qui parviennent par leur talent technique à s'inclure dans l'activité souvent vespérale de l'atelier anti-académique. Les responsables soucieux de l'ordre et les stagiaires fidèles de l'atelier se voient attribuer des surnoms basée sur leurs acronymes (« LC » pour Le Corbusier) ou le début du (pré)nom usuel (Corbu). À l'instar de jeunes architectes, techniciens ou ingénieurs familiers de l'atelier, l'assistant puis chef d'atelier de la fin des années trente, André Wogenscky (Vog) y rencontre sa future femme. Pour suivre les chantiers, Le Corbusier et Pierre Jeanneret choisissent des collaborateurs maîtres d'œuvre, comme Alfred Roth dans les années trente.
Dès le début des années vingt, Le Corbusier multiplie les contacts avec les fournisseurs de mobilier. En 1925, mis à part ses propres créations, il n'est nullement satisfait du mobilier commercial qu'il peut exposer au Pavillon de l'Esprit Nouveau où il présente des chaises Thonet 209 et des tables et meubles casiers à piètement d'acier14. Il entame une recherche sur les matières et les formes de base les plus sobres et/ou économiques en collaboration avec la maison Thonet. Il participe à la réalisation de la cité expérimentale du Weissenhof, conçue en 1926 et construite en 1927 sous l'égide du Deutscher Werkbund, près de Stuttgart, où l'un de ses deux pavillons est intérieurement aménagé de manière minimaliste avec des casiers intégrés15 dans des pièces desservies par un couloir. En 1927, il fait alors appel à Charlotte Perriand remarquée la même année au Salon d'automne, afin de réaliser en 1928 l'aménagement intérieur et l'ameublement global des villas La Roche et Church13 (détruite), lequel, exposé sous l'appellation Équipement intérieur d'une habitation au Salon d'Automne de 1929, comprend la fameuse « Chaise longue LC4 »16, le « Fauteuil à dossier basculant LC 1 », le « Fauteuil Grand Confort » et ses variantes, la « Table LC 10-P » en tube d'acier et verre, la « Table à piétement ovoïde LC 6 », ainsi que des meubles casiers. Le Corbusier fonde à cette occasion avec les autres designers français l'Union des Artistes Modernes (UAM). Alors qu'il apparaît avec son trio avec Charlotte Perriand et Jean Prouvé, très en pointe pour la fabrication industrielle, il faudra attendre 1965 pour qu'un industriel du luxe italien, Cassina, produise en modeste série quelques-unes de leurs œuvres.
Il est parmi les architectes modernes européens qui prennent l'initiative de l'organisation, souhaitée par la mécène genevoise Hélène de Mandrot en 1928, du premier Congrès international d'architecture moderne (CIAM) réuni au château de La Sarraz, pays de Vaud17. Ce cofondateur, qui s'enorgueillit d'un succès puisque 21 nationalités sont représentées, participe d'emblée à la bataille du premier congrès. Au troisième congrès en 1930 à Bruxelles, l'axe Zurich-Amsterdam s'impose, laissant dans les marges Le Corbusier, vu et entendu parfois comme un agitateur dogmatique.
En 1922, la venue à Paris de son cousin, le jeune architecte et futur designer Pierre Jeanneret lui permet de trouver un solide associé pour relancer son activité d'architecte, son entreprise rue d'Astorg ayant fait faillite l'année précédente. Les deux cousins suisses installent leur agence commune au premier étage dans un long couloir de 50 mètres, soustrait à la partie supérieure d'un ancien vaste cloître d'un couvent jésuite, c'est l'atelier 35 S rue de Sèvres qui restera l'unique atelier architectural de Le Corbusier sa vie professionnelle durant. Pour faire connaître leur agence, Charles-Édouard publie dans un livre une sélection des textes sur l'architecture parus dans la revue puriste, signée Le Corbusier. Le livre anti-académique, farouchement contre le décor dégradant la forme et les cinq ordres de l'architecture pontifiante, est un succès éditorial qui surpasse l'aura avant-gardiste de la revue puriste.
La décennie 1920-1930 le voit réaliser un ensemble remarquable de projets de villas, d'ateliers ou d'habitations manifestes, construites ou non, où l'on voit se formaliser les éléments du langage architectural corbuséen12. On peut citer en une liste non exhaustive :
le projet de ville contemporaine de trois millions d'habitants, présenté au salon d'Automne à Paris en 1922
la Villa Ker-Ka-Ré aussi appelée Villa Besnus, à Vaucresson, sa première réalisation française livrée en 1923 à un couple de rentiers retraités
la maison-atelier Ozenfant pour son ami peintre, à Paris, également livré en 1923
le lotissement de Lège, six maisons ouvrières réalisées à Lège-Cap-Ferret à l'invitation de l'industriel bordelais Henri Frugès
la Villa Le Lac à Corseaux au bord du lac Léman, commandée par ses parents, construite en 1924. Sa mère y réside seule trente années, après la disparition du père avant la fin des années 1920
la Villa La Roche (1923-1925), pour le collectionneur et banquier Raoul La Roche. Le bâtiment comprend un appartement destiné à la famille de son frère pianiste, Alfred Jeanneret. Elle est l'actuelle Fondation Le Corbusier, à Paris.
les ateliers des sculpteurs Lipchitz-Miestchaninoff, livrés en 1925 à Boulogne-Billancourt
la réalisation en 1925 du Pavillon de l'Esprit nouveau, à l'occasion de l'Exposition internationale des Arts décoratifs (Expositions universelles de Paris)
le projet du Plan Voisin pour Paris en 1925
la Cité Frugès à Pessac est composé de 50 logements dans le quartier moderne de Pessac, commandés en 1924 par le promoteur Henri Frugès et construits en 1926. L'absence de viabilisation du quartier entraîne la faillite du promoteur.
la maison du peintre René Guiette à Anvers en 1926
la villa du couple Ternisien, musiciens et artistes, à Boulogne-Billancourt, achevée en 1926.
Cette série culmine avec plusieurs études et(ou) réalisations remarquables entre 1927 et 1929 :
Deux unités d'habitations dans la cité expérimentale du Weissenhof, conçue en 1926 et construite en 1927 sous l'égide du Deutscher Werkbund, près de Stuttgart. Il publie une plaquette en allemand exposant la base de son travail avec les « cinq points d'une architecture moderne ».
la villa du sculpteur Planeix boulevard Masséna à Paris en 1927,
le pavillon Nestlé à la foire de Paris en 1927,
la participation au concours international pour le siège de la SDN sur les rives du lac à Genève,
la Villa Stein, connue aussi sous le nom de « villa les terrasses », livrée vers 1929 à Garches. Cette maison, remaniée à plusieurs reprises, fut dénaturée par une division en appartements,
la Villa Church, à Ville-d'Avray, en 1927 ensuite détruite.
la Villa Savoye, (1928-1931, Poissy) application littérale des « cinq points d'une architecture moderne », la plus remarquable de cette période, et qui aura une influence considérable dans l'histoire de l'architecture.
le projet du Mundaneum, centre de culture mondiale à Genève. Non réalisé, il expose déjà le principe du plan du musée à croissance illimitée en 1939, qui influence l'architecture muséale des dernières décennies de sa vie, à Ahmedabad, Chandigarh ou Tokyo.
le siège du Centrosoyus (1928-1935), siège de l'union des coopératives de l'URSS, à Moscou. Architectes et ingénieurs soviétiques réalisent la construction.
l'appartement Beistegui, construit en surélévation d'un immeuble des Champs-Élysées, à Paris, livré en 1933 et détruit depuis.
Le Corbusier conçoit son métier d'architecte de façon moderne : construire nécessite une mise en œuvre rigoureuse, autant qu'une mise à l'épreuve d'idées architecturales qui, en dehors des volumes et des formes conçues par une pensée nécessairement « mathématique », n'excluent nullement la façon d'habiter (et donc le mobilier et l'agencement des espaces) et le cadre de vie urbain et paysager dans son ensemble. Il mène ainsi une réflexion théorique sur l'urbanisme, avec des projets qui provoquent parfois de violentes polémiques comme le plan Voisin en 1925, dans lequel il propose de ré-urbaniser Paris, en détruisant les habitations le long des quais et du centre (sauf les monuments historiques reconnus) pour y construire de vastes immeubles gratte-ciel. L'atelier 35 rue de Sèvres accueille les jeunes architectes de passage dans la capitale ainsi que des étudiants et stagiaires qui se prépare à leur vie professionnelle, les plus familiers sont souvent étrangers, mais les périodes de travail sont courtes, parfois renouvelées. Il y a aussi des jeunes dessinateurs amateurs, voire des jeunes artistes ou des inventeurs-bricoleurs qui parviennent par leur talent technique à s'inclure dans l'activité souvent vespérale de l'atelier anti-académique. Les responsables soucieux de l'ordre et les stagiaires fidèles de l'atelier se voient attribuer des surnoms basée sur leurs acronymes (« LC » pour Le Corbusier) ou le début du (pré)nom usuel (Corbu). À l'instar de jeunes architectes, techniciens ou ingénieurs familiers de l'atelier, l'assistant puis chef d'atelier de la fin des années trente, André Wogenscky (Vog) y rencontre sa future femme. Pour suivre les chantiers, Le Corbusier et Pierre Jeanneret choisissent des collaborateurs maîtres d'œuvre, comme Alfred Roth dans les années trente.
Dès le début des années vingt, Le Corbusier multiplie les contacts avec les fournisseurs de mobilier. En 1925, mis à part ses propres créations, il n'est nullement satisfait du mobilier commercial qu'il peut exposer au Pavillon de l'Esprit Nouveau où il présente des chaises Thonet 209 et des tables et meubles casiers à piètement d'acier14. Il entame une recherche sur les matières et les formes de base les plus sobres et/ou économiques en collaboration avec la maison Thonet. Il participe à la réalisation de la cité expérimentale du Weissenhof, conçue en 1926 et construite en 1927 sous l'égide du Deutscher Werkbund, près de Stuttgart, où l'un de ses deux pavillons est intérieurement aménagé de manière minimaliste avec des casiers intégrés15 dans des pièces desservies par un couloir. En 1927, il fait alors appel à Charlotte Perriand remarquée la même année au Salon d'automne, afin de réaliser en 1928 l'aménagement intérieur et l'ameublement global des villas La Roche et Church13 (détruite), lequel, exposé sous l'appellation Équipement intérieur d'une habitation au Salon d'Automne de 1929, comprend la fameuse « Chaise longue LC4 »16, le « Fauteuil à dossier basculant LC 1 », le « Fauteuil Grand Confort » et ses variantes, la « Table LC 10-P » en tube d'acier et verre, la « Table à piétement ovoïde LC 6 », ainsi que des meubles casiers. Le Corbusier fonde à cette occasion avec les autres designers français l'Union des Artistes Modernes (UAM). Alors qu'il apparaît avec son trio avec Charlotte Perriand et Jean Prouvé, très en pointe pour la fabrication industrielle, il faudra attendre 1965 pour qu'un industriel du luxe italien, Cassina, produise en modeste série quelques-unes de leurs œuvres.
Il est parmi les architectes modernes européens qui prennent l'initiative de l'organisation, souhaitée par la mécène genevoise Hélène de Mandrot en 1928, du premier Congrès international d'architecture moderne (CIAM) réuni au château de La Sarraz, pays de Vaud17. Ce cofondateur, qui s'enorgueillit d'un succès puisque 21 nationalités sont représentées, participe d'emblée à la bataille du premier congrès. Au troisième congrès en 1930 à Bruxelles, l'axe Zurich-Amsterdam s'impose, laissant dans les marges Le Corbusier, vu et entendu parfois comme un agitateur dogmatique.
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We don't care the People Says , Rock 'n' roll is here to stay - Danny & the Juniors - 1958
Re: Le Corbusier - Charles-Édouard Jeanneret-Gris - 1887 / 1965
À partir de la crise économique de 1929, Le Corbusier va concentrer sa réflexion théorique sur l'organisation de la concentration urbaine. Ces propositions d'urbanisme concernent :
l'étude d'urbanisation de Rio de Janeiro en 1929 au cours de son voyage d'automne en Argentine et au Brésil,
Moscou en 1930,
l'aménagement du front de mer d'Alger de 1930 à 1933,
Barcelone en 1932,
Anvers, Genève, Stockholm en 1933.
Tous ces projets une fois publiés sont fortement critiqués.
En même temps il mène les réalisations, de la Cité-refuge de l'Armée du salut de 1929 Paris,
le Pavillon Suisse de la Cité internationale universitaire de Paris (1930-1932).
En 1930, Charles-Édouard Jeanneret demande et obtient la nationalité française, faisant inscrire sur son passeport la profession d'homme de lettres. Il épouse Yvonne Gallis, ancien mannequin monégasque née le 1er janvier 1892. Le couple aménage en 1933 au dernier étage d'un immeuble d'appartements construit par le cabinet Le Corbusier rue Jacob. Yvonne, sa femme d'origine méditerranéenne, généreuse et joyeusement humaniste, a, de l'avis de nombreux observateurs, beaucoup influencé Charles-Édouard, encore raide et dogmatique sur de nombreux thèmes de société. Ainsi le racisme latent qui a marqué la Belle Époque et le jeune professeur-architecte jurassien, ou la tentation d'ordre totalitaire qui saisit de nombreux artistes au cours des années vingt s'estompent sous cette douce influence.
Sa peinture a admis la figuration et les formes humaines depuis des années, elle inclut désormais des objets à réaction poétique, qui peuvent être des formes glanées par la main concrète ou l'œil. Du point de vue architectural, il accorde une attention dite d'« esthétique brutaliste » à la matière rendue en surface, béton brut de décoffrage, lissé ou moulé, briques nues ou bois non poncés, cailloux ou cailloutis grossiers cimentés…
À partir des études d'urbanisme réalisées pour le CIAM, il propose le projet générique de « ville radieuse », ainsi que celui d'un palais des soviets à Moscou en 1931.
Le CIAM d’Athènes, tenu en 1933 sur le paquebot qui, de Marseille, se rend au Pirée, prend pour thème la ville fonctionnelle. Les quatre fonctions habiter, travailler, se cultiver (entretenir son corps et son esprit), circuler, enthousiasment Le Corbusier, pourtant toujours marginalisé au même titre que l'architecture moderne française. Ses simples notes servent à rédiger l'ouvrage La Charte d'Athènes, paru sous l'Occupation. En 1942 pour sa naissance et en 1943 pour son lancement, l'auteur est partie prenante de l'assemblée des constructeurs pour la rénovation architecturale ou ASCORAL. Il s'agit d'une organisation élargie du groupe CIAM-France à des acteurs de nombreuses disciplines d'ingénierie et de recherche scientifique qui vise à établir des normes dans l'industrie de la construction qui puissent répondre avec cohérence à ces principales fonctions.
Après 1934, la crise touche les cabinets d'architecture en France. Mais Le Corbusier est déjà une autorité internationale de l'architecture. Profitant de son audience à l'étranger, son cabinet qui a l'avantage d'accueillir un grand nombre de (jeunes) collaborateurs ou stagiaires non rémunérés continue d'être une ruche bourdonnante. Le conférencier au rayonnement attendu sur l'art architectural moderne multiplie les voyages en Amérique ou en Europe. La fondation Rockfeller l'invite à New York en 1934. En juillet et août 1936, Le Corbusier réside à Rio de Janeiro au Brésil, officiellement pour une tournée (rémunérée) de conférences, officieusement comme super-consultant pour améliorer le projet de construction du ministère de l'Éducation nationale et de la santé publique. L'architecte Lucio Costa, ancien élève des Beaux-Arts de Paris familier de l'atelier rue de Sèvres, est à l'origine de cette invitation déguisée. Avec son adjoint Oscar Niemeyer, ils essaient de tirer le meilleur des propositions dessinées foisonnantes du maître. Les deux architectes brésiliens, avec d'autres collaborateurs, construisent ensuite à leurs façons le ministère de l'Éducation nationale à Rio de Janeiro de 1936 à 1943.
En France, les affaires des cabinets d'architecture sont inexistantes. Le Corbusier travaille à coût réduit et s'adapte à la demande. La maison de vacances pour monsieur Peyron aux Mathes près de Royan est construite par l'entrepreneur du village, elle a des murs porteurs qui supportent une charpente, portant une couverture en fibrociment. Le budget serré n'a pas permis le déplacement de l'architecte, qui s'est contenté d'être le dessinateur et le superviseur des plans précis réalisés à l'atelier. La maison de week-end pour monsieur Félix, à La Celle-Saint-Cloud, est, autre concession, de plain-pied, sans étage. Des voûtes de béton armé surbaissées permettent d'engazonner le toit, tout en réservant des entrées de lumière par des lanterneaux. L'art corbuséen s'investit dans les contrastes de matériaux : béton, maçonnerie de pierre meulière locale, brique de verre, panneaux de bois…
L'atelier participe sans succès au concours pour le musée d'art moderne de Paris en 1935.
Le Corbusier prend sa revanche au cinquième CIAM qu'il organise en 1937 à Paris avec un mécénat français, sur le thème « logis et loisirs ». Un trio directeur, désolidarisant l'ancienne direction, se forme durablement : l'architecte allemand Walter Gropius, le secrétaire général des CIAM, le professeur zurichois Siegfried Giedon et Le Corbusier représentent l'architecture moderne jusqu'au sixième CIAM de Bridgwater (Angleterre) en 1947, qui voit l'irruption d'une nouvelle génération d'architectes turbulente, qui conteste et vilipende l'ancienne. Les congrès vidés de leurs disputes ardentes, malgré la fidélité du vieux Le Corbusier, se maintiennent jusqu'en 1959.
En 1937, invité in extremis à l'exposition internationale de Paris, Le Corbusier élabore le pavillon des Temps Nouveaux qui montre, peut-être avec ironie l'état précaire de l'architecture en France, par sa conception. L'abri-tente, soutenu par des pylônes auxquels s'accrochent haubans et câbles, met exposants et expositions, en particulier celles des CIAM, sous une toile couvrant 1 200 m2. Théoriquement démontable pour être reconstitué dans d'autres villes, selon le vœu corbuséen, le chapiteau n'est pas réutilisé et les composants sont vendus ou dispersés.
L'année suivante, Le Corbusier est invité à exposer sa conception de l'architecture dans le film Les Bâtisseurs, commande de la Fédération CGT des travailleurs du bâtiment de la région parisienne. Il y présente longuement ses idées sur l'architecture nouvelle, et dessine au fil de son exposé sur un grand tableau blanc18.
En mai 1940, il ferme son atelier de dessin-cabinet d'architecture rue de Sèvres. Pierre Jeanneret part à Grenoble. Le Corbusier et Yvonne se réfugient dans le midi français, le couple réside ensuite dans le petit village pyrénéen d'Ozon. Le Corbusier (re)devient un découvreur rêveur et artiste en collectionnant les objets trouvés ou jetés, en s'adonnant à la peinture murale. Mais la deuxième année d'occupation allemande le fait revenir à Vézelay en Bourgogne occupée, avec son épouse. Muni d'une doctrine des trois établissements humains, il intrigue — aux dires des hommes politiques — dans les ministères de Vichy. Son souhait de hâter la mutation industrielle du secteur du bâtiment et de réaliser à tout prix sa vision de la cité moderne, sans se soucier de la nature du régime politique susceptible de mettre en œuvre ses idées sur l'urbanisme, comme en témoigna Romain Rolland19, reste vain. Il n'obtient que des modélisations de fabrications rapides pour le logement provisoire des sinistrés et des animations techniques de chantier de jeunes. De cette période morne sortent diverses constructions à base de matériaux naturels accessibles, qu'il avait dénommés « les murondins ». Il ne revient à Paris qu'après 1942. Son atelier n'est définitivement rouvert pour ses anciens collaborateurs qu'après la libération de Paris.
l'étude d'urbanisation de Rio de Janeiro en 1929 au cours de son voyage d'automne en Argentine et au Brésil,
Moscou en 1930,
l'aménagement du front de mer d'Alger de 1930 à 1933,
Barcelone en 1932,
Anvers, Genève, Stockholm en 1933.
Tous ces projets une fois publiés sont fortement critiqués.
En même temps il mène les réalisations, de la Cité-refuge de l'Armée du salut de 1929 Paris,
le Pavillon Suisse de la Cité internationale universitaire de Paris (1930-1932).
En 1930, Charles-Édouard Jeanneret demande et obtient la nationalité française, faisant inscrire sur son passeport la profession d'homme de lettres. Il épouse Yvonne Gallis, ancien mannequin monégasque née le 1er janvier 1892. Le couple aménage en 1933 au dernier étage d'un immeuble d'appartements construit par le cabinet Le Corbusier rue Jacob. Yvonne, sa femme d'origine méditerranéenne, généreuse et joyeusement humaniste, a, de l'avis de nombreux observateurs, beaucoup influencé Charles-Édouard, encore raide et dogmatique sur de nombreux thèmes de société. Ainsi le racisme latent qui a marqué la Belle Époque et le jeune professeur-architecte jurassien, ou la tentation d'ordre totalitaire qui saisit de nombreux artistes au cours des années vingt s'estompent sous cette douce influence.
Sa peinture a admis la figuration et les formes humaines depuis des années, elle inclut désormais des objets à réaction poétique, qui peuvent être des formes glanées par la main concrète ou l'œil. Du point de vue architectural, il accorde une attention dite d'« esthétique brutaliste » à la matière rendue en surface, béton brut de décoffrage, lissé ou moulé, briques nues ou bois non poncés, cailloux ou cailloutis grossiers cimentés…
À partir des études d'urbanisme réalisées pour le CIAM, il propose le projet générique de « ville radieuse », ainsi que celui d'un palais des soviets à Moscou en 1931.
Le CIAM d’Athènes, tenu en 1933 sur le paquebot qui, de Marseille, se rend au Pirée, prend pour thème la ville fonctionnelle. Les quatre fonctions habiter, travailler, se cultiver (entretenir son corps et son esprit), circuler, enthousiasment Le Corbusier, pourtant toujours marginalisé au même titre que l'architecture moderne française. Ses simples notes servent à rédiger l'ouvrage La Charte d'Athènes, paru sous l'Occupation. En 1942 pour sa naissance et en 1943 pour son lancement, l'auteur est partie prenante de l'assemblée des constructeurs pour la rénovation architecturale ou ASCORAL. Il s'agit d'une organisation élargie du groupe CIAM-France à des acteurs de nombreuses disciplines d'ingénierie et de recherche scientifique qui vise à établir des normes dans l'industrie de la construction qui puissent répondre avec cohérence à ces principales fonctions.
Après 1934, la crise touche les cabinets d'architecture en France. Mais Le Corbusier est déjà une autorité internationale de l'architecture. Profitant de son audience à l'étranger, son cabinet qui a l'avantage d'accueillir un grand nombre de (jeunes) collaborateurs ou stagiaires non rémunérés continue d'être une ruche bourdonnante. Le conférencier au rayonnement attendu sur l'art architectural moderne multiplie les voyages en Amérique ou en Europe. La fondation Rockfeller l'invite à New York en 1934. En juillet et août 1936, Le Corbusier réside à Rio de Janeiro au Brésil, officiellement pour une tournée (rémunérée) de conférences, officieusement comme super-consultant pour améliorer le projet de construction du ministère de l'Éducation nationale et de la santé publique. L'architecte Lucio Costa, ancien élève des Beaux-Arts de Paris familier de l'atelier rue de Sèvres, est à l'origine de cette invitation déguisée. Avec son adjoint Oscar Niemeyer, ils essaient de tirer le meilleur des propositions dessinées foisonnantes du maître. Les deux architectes brésiliens, avec d'autres collaborateurs, construisent ensuite à leurs façons le ministère de l'Éducation nationale à Rio de Janeiro de 1936 à 1943.
En France, les affaires des cabinets d'architecture sont inexistantes. Le Corbusier travaille à coût réduit et s'adapte à la demande. La maison de vacances pour monsieur Peyron aux Mathes près de Royan est construite par l'entrepreneur du village, elle a des murs porteurs qui supportent une charpente, portant une couverture en fibrociment. Le budget serré n'a pas permis le déplacement de l'architecte, qui s'est contenté d'être le dessinateur et le superviseur des plans précis réalisés à l'atelier. La maison de week-end pour monsieur Félix, à La Celle-Saint-Cloud, est, autre concession, de plain-pied, sans étage. Des voûtes de béton armé surbaissées permettent d'engazonner le toit, tout en réservant des entrées de lumière par des lanterneaux. L'art corbuséen s'investit dans les contrastes de matériaux : béton, maçonnerie de pierre meulière locale, brique de verre, panneaux de bois…
L'atelier participe sans succès au concours pour le musée d'art moderne de Paris en 1935.
Le Corbusier prend sa revanche au cinquième CIAM qu'il organise en 1937 à Paris avec un mécénat français, sur le thème « logis et loisirs ». Un trio directeur, désolidarisant l'ancienne direction, se forme durablement : l'architecte allemand Walter Gropius, le secrétaire général des CIAM, le professeur zurichois Siegfried Giedon et Le Corbusier représentent l'architecture moderne jusqu'au sixième CIAM de Bridgwater (Angleterre) en 1947, qui voit l'irruption d'une nouvelle génération d'architectes turbulente, qui conteste et vilipende l'ancienne. Les congrès vidés de leurs disputes ardentes, malgré la fidélité du vieux Le Corbusier, se maintiennent jusqu'en 1959.
En 1937, invité in extremis à l'exposition internationale de Paris, Le Corbusier élabore le pavillon des Temps Nouveaux qui montre, peut-être avec ironie l'état précaire de l'architecture en France, par sa conception. L'abri-tente, soutenu par des pylônes auxquels s'accrochent haubans et câbles, met exposants et expositions, en particulier celles des CIAM, sous une toile couvrant 1 200 m2. Théoriquement démontable pour être reconstitué dans d'autres villes, selon le vœu corbuséen, le chapiteau n'est pas réutilisé et les composants sont vendus ou dispersés.
L'année suivante, Le Corbusier est invité à exposer sa conception de l'architecture dans le film Les Bâtisseurs, commande de la Fédération CGT des travailleurs du bâtiment de la région parisienne. Il y présente longuement ses idées sur l'architecture nouvelle, et dessine au fil de son exposé sur un grand tableau blanc18.
En mai 1940, il ferme son atelier de dessin-cabinet d'architecture rue de Sèvres. Pierre Jeanneret part à Grenoble. Le Corbusier et Yvonne se réfugient dans le midi français, le couple réside ensuite dans le petit village pyrénéen d'Ozon. Le Corbusier (re)devient un découvreur rêveur et artiste en collectionnant les objets trouvés ou jetés, en s'adonnant à la peinture murale. Mais la deuxième année d'occupation allemande le fait revenir à Vézelay en Bourgogne occupée, avec son épouse. Muni d'une doctrine des trois établissements humains, il intrigue — aux dires des hommes politiques — dans les ministères de Vichy. Son souhait de hâter la mutation industrielle du secteur du bâtiment et de réaliser à tout prix sa vision de la cité moderne, sans se soucier de la nature du régime politique susceptible de mettre en œuvre ses idées sur l'urbanisme, comme en témoigna Romain Rolland19, reste vain. Il n'obtient que des modélisations de fabrications rapides pour le logement provisoire des sinistrés et des animations techniques de chantier de jeunes. De cette période morne sortent diverses constructions à base de matériaux naturels accessibles, qu'il avait dénommés « les murondins ». Il ne revient à Paris qu'après 1942. Son atelier n'est définitivement rouvert pour ses anciens collaborateurs qu'après la libération de Paris.
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Re: Le Corbusier - Charles-Édouard Jeanneret-Gris - 1887 / 1965
1941-1942 : Le Corbusier et le régime de Vichy
Selon l'Encyclopédie Larousse : « Personnalité provocante : cet homme que les militants d'extrême droite qualifiaient si aisément de bolchevik était membre d'une organisation fasciste. » De même source : « En 1941 Destin de Paris reprenant le « Plan Voisin » est un appel ouvert à l'autorité de Vichy20. »
En 1926, Le Corbusier se rapproche de membres du Faisceau de Georges Valois, dissout en 1928, associant antiparlementarisme et syndicalisme révolutionnaire, où certains participants prônent la mise en place d'une politique nationale d'aménagement du territoire et de planification urbaine. En janvier 1931, il devient ainsi membre du comité de rédaction de la revue Plans fondée en 1930 par Philippe Lamour, considéré comme le père de l'aménagement du territoire en France, un ancien membre de ce parti, tout comme Hubert Lagardelle membre du comité de rédaction. En 1933, il participe à la revue Prélude dirigée par son ami Pierre Winter, ancien membre du Faisceau également. Néanmoins, dans un article publié la même année dans cette revue, Le Corbusier attaque à la fois « l'architecture mussolinienne moderne » et le régime lui-même : « Rome imitant Rome, une folle redondance21. » François de Pierrefeu contribue pour sa part à la revue Plans et à la revue Prélude.
Bien que d'origine suisse, Le Corbusier a tenté en vain de vendre ses idées au régime de Vichy, à l'occasion de la modernisation mise en œuvre de la règlementation de l'urbanisme22 et des futures reconstructions, pendant les 17 mois et demi de son séjour dans cette ville, de janvier 1941 à juillet 1942, malgré la nomination d'Hubert Lagardelle comme ministre du Travail dans le gouvernement Pierre Laval (avril 1942-novembre 1943). Pour ce faire, François de Pierrefeu est aux côtés de Le Corbusier, période durant laquelle ils signent ensemble le livre La Maison des hommes23. En juin 1942, son plan d'urbanisme pour Alger est rejeté. Après le départ de Le Corbusier de Vichy, le 1er juillet 1942, il devient de mi-1942 au 20 avril 1944 conseiller technique à La Fondation française pour l’étude des problèmes humains dirigée par l'eugeniste et prix Nobel de médécine de 1912, le professeur Alexis Carrel24. François de Pierrefeu continue de défendre les intérêts de l'architecte auprès des autorités gouvernementales. Par la suite, en 1944, Pierre Winter sera quant à lui nommé inspecteur général du Travail du gouvernement de Vichy.
En 1943, en plein conflit, Le Corbusier avait comme principale préoccupation la publication de la Charte d’Athènes. Il est également soupçonné d'antisémitisme de sorte qu'en 2010, la banque UBS décida de le retirer de ses publicités25. Soutenu par Eugène Claudius-Petit et André Malraux, il échappe à l’épuration et engrange des commandes architecturales24.
1945-1965 : l'après-guerre
Les destructions de la guerre mondiale, puis la croissance démographique en France appellent avec vigueur une reconstruction. « Reconstruire dans l'urgence », que ce soit pour des sinistrés ou des démunis, nécessite, selon Le Corbusier, une disposition d'esprit différente de « construire » où la quête d'émotions partagées nourrissant l'architecture créatrice s'adapte suivant un rythme propre à une manière d'habiter individuelle ou familiale. La solution économique idéale passe par l'industrialisation du bâtiment et les fabrications standardisées d'équipements en série.
Pour répondre à ce défi, l'ATBAT ou atelier des bâtisseurs se crée rue de Sèvres26. Des hommes de l'art reconnus apportent leurs compétences, leurs soutiens ou contributions financières, ou sympathisent avec l'atelier. Parmi eux :
les architectes Pierre-André Emmery, André Sive, André Wogenscky, Roger Aujame, Nadir Afonso, Soltan, Gérald Hanning…
l'ingénieur des mines Jean Commelin
l'organisateur Jacques Lefebvre
le directeur des travaux Marcel Py
le technicien et industriel nancéien Jean Prouvé
l'ingénieur Vladimir Bodiansky
L'architecte planificateur souhaite pourtant développer des cités-jardins verticales (en hauteur) et horizontales, délimiter au mieux les espaces marchands, industriels, administratifs de la ville au bénéfice des transports efficaces et rapides tout en créant espaces verts et centres piétonniers, en respectant les éléments paysagers. C'est dans ce cadre qu'il accepte en 1945 les plans de villes, tel le port de La Rochelle-La Palisse, Saint-Gaudens ou Saint-Dié. Ses plans d'urbanisme n'auront pas de succès27.
Pourtant, de 1945 à 1952, Le Corbusier voit avec satisfaction se réaliser en France des unités modèles de sa ville moderne :
l'unité d'habitation dont la première est inaugurée à Marseille,
le bâtiment industriel dont le seul exemplaire corbuséen est l'usine Claude et Duval (1948-51), quai du Torrent ou 1, Avenue de Robache à Saint-Dié,
l'église.
Le Corbusier, à la demande du ministre de la Reconstruction et de l'Urbanisme, le député communiste François Billoux, élabore les plans et supervise la construction de la Cité radieuse de Marseille, sa première unité d'habitation. Il s'agit d'un immeuble d'habitation sous la forme d'un parallélépipède sur pilotis (en forme de piètements évasés à l'aspect rugueux), qui constitue une innovation importante dans la conception architecturale des résidences d'habitations. Dans cet immeuble, il a tenté d'appliquer ses principes d'architecture pour une nouvelle forme de cité en créant un « village vertical », composé de 360 appartements en duplex distribués par des « rues intérieures ».
Édifié entre 1945 et 1952, situé sur le boulevard Michelet de Marseille, près du Stade Vélodrome, cet immeuble est l'une des cinq unités d'habitation construites par Le Corbusier au cours de sa carrière. Essentiellement composée de logements, elle comprend également à mi-hauteur de ses dix-sept niveaux, des bureaux et divers services commerciaux (épicerie, boulangerie, café, hôtel/restaurant, librairie, etc.). Le toit-terrasse de l'unité, libre d'accès au public, est occupé par des équipements publics : une école maternelle, un gymnase, une piste d'athlétisme, une petite piscine et un auditorium en plein air. Son inauguration officielle sur le toit-terrasse le 14 octobre 1952 en présence du ministre de la Reconstruction, Eugène Claudius-Petit, est un grand moment d'émotion dans la vie de son architecte concepteur. Entre 1953 et 1956, l'État pour récupérer les fonds investis vend l'ensemble des duplex aux particuliers privés et se désintéresse de la vie sociale interne qui l'impliquait paradoxalement dans la conception. Notons que l'unité d'habitation est expressément conçue pour le logement social, autant par son agencement que par l'ameublement.
En 1950, à 63 ans, au départ récalcitrant, il est choisi par l'archevêque de Besançon et se lance dans l'aventure de la reconstruction de la chapelle Notre-Dame-du-Haut, situé au sommet de la colline de Bourlémont, à Ronchamp en Franche-Comté, détruite par les bombardements de septembre 1944. C'était son premier projet d'un bâtiment de culte, bien qu'il ait travaillé en 1929 sur les plans de l'église de Tremblay-lès-Gonesse : « Je n'avais rien fait de religieux, mais quand je me suis trouvé devant ces quatre horizons, je n'ai pu hésiter ». Athée, il disait avoir des ancêtres cathares (desquels il tire son pseudonyme Corbusier pouvant signifier marchand de corbeilles28 ou encore cordonnier29). En mai 1955, il se réjouit de retrouver son premier métier d'apprentissage, il réalise seul en usine le décor de la grande porte de l'église de Ronchamp en y appliquant 18 m2 de peinture sur émail.
Il participe à l'édification de deux autres bâtiments cultuels :
le couvent de Sainte-Marie de la Tourette à Éveux-sur-Abresle près de Lyon, dessiné en 1953, réalisé de 1954 à 1959, inauguré en 1960 et
l'église Saint-Pierre de Firminy à Firminy, près de Saint-Étienne dans la Loire. Jamais terminée de son vivant, c'est seulement en 2006 qu'elle sera achevée. Ce chantier tout à fait inhabituel, aura été mené par José Oubrerie, ancien collaborateur de l'agence Corbu.
La notoriété mondiale s'attache à sa figure. Dès 1947, il siège au conseil économique et préside différentes délégations françaises d'affaires culturelles vers les pays francophiles, où il est populaire. Ses services envers l'État lui valent d'être nommé commandeur de la Légion d'honneur avant 1950. La modestie du commandeur influença probablement le choix définitif de l'archevêque bisontin qui n'était qu'officier.
Ses obligations officielles, voire ses préparations minutieuses des CIAM, par exemple, le septième congrès de l'été 1949 à Bergame, n'entravent pas les activités de son cabinet d'architecture et leur participation à des chantiers internationaux. Par exemple, le 24 février 1949, il signe à Bogota avec son fidèle ancien élève barcelonais Sert et le New-Yorkais Wiener un contrat de reconstruction de la ville colombienne.
Il va appliquer ses principes urbains et architecturaux à l'échelle d'une ville quand les autorités indiennes, au début des années 1950, lui confient le projet de la ville de Chandigarh, nouvelle capitale du Pendjab située sur un haut plateau dominé par la chaîne himalayenne. Dès 1951, prenant en charge l'urbanisme entier, il dessine en premier lieu les bâtiments du complexe administratif ou capitole pour la ville indienne encore quasiment déserte :
le palais de Justice ou de Haute Cour achevé en 1956, inauguré le 19 mars 1956 en présence du président Nehru ;
le palais du Capitole ou du Gouverneur jamais construit ;
le Secrétariat (maison des ministères) achevé en 1958 ;
le palais de l'Assemblée inauguré en 1961.
Avant les grands chantiers, Le Corbusier répond aux sollicitations des classes aisées indiennes en concevant des résidences privées de luxe.
Ainsi de 1951 à 1954, il supervise la construction du palais de l'association des filateurs d'Ahmedabad,
ainsi que les villas Sarabhaï et Shodan.
Des observateurs ont montré que la villa Jaoul, à Neuilly-sur-Seine, a bénéficié en retour de l'approche pragmatique indienne.
Le cabanon à Roquebrune.
Son cousin collaborateur, Pierre Jeanneret, supervise sur place sur le chantier l'avancée des travaux. La sculpture pacifique de la Main ouverte, la Tour des ombres, la Fosse des considérations, sont des réalisations différées de trente années. Chandigarh offre une synthèse entre les théories novatrices de ses débuts et l’utilisation de formes non linéaires, influencées par la tradition locale.
Tombe de Le Corbusier à Roquebrune.
Entre 1948 et 1950, Le Corbusier gère un projet de résidences de vacances Roq et Rob sur une colline escarpée dominée par les bastions de Roquebrune à Cap Martin. Il y regroupe des modules d'habitation type maison Monol ou villa du Week-End à La Celle-Saint-Cloud. Mais le projet est abandonné par le promoteur. En 1952, le bâtisseur d'édifices gigantesques, séduit par ce bord de mer, construit « en se foutant des règles du Modulor » avec Fernand Gardien, à Roquebrune-Cap-Martin, un cabanon-baraque de 3,66 m × 3,66 m × 2,26 m à bardage de croûte de pin « sur un bout de rocher battu par les flots ».
Quelque temps auparavant, le 11 avril 1952, une exposition de ses dessins de la période 1918-1928 - période intense et cruciale, affirmait-il - était inaugurée à la galerie parisienne Denise René. Après trente ans d'éclipse, surtout en France, l'artiste discret choisit de revenir sur le devant de la scène. En décembre 1953, une grande exposition de ses œuvres marque le public au Musée national d'art moderne. Elle est aussi présentée à Londres.
Au cours des années cinquante, si florissantes pour les grosses agences d'architecture engagées dans la Reconstruction, Le Corbusier gouverne avec dureté son atelier qui stagne à l'échelle artisanale, selon l'opinion d'Oscar Niemeyer. Le Corbusier, architecte ascétique et rigoureux sans concession, n'affiche que mépris pour les confrères enrichis, étalant un train de vie luxueux par propriété privée et voitures interposées. Les commandes de l'atelier restent faibles, mais le réseau des anciens étudiants-collaborateurs s'affirme efficace. Lucio Costa vient construire avec le maître le pavillon du Brésil à la Cité internationale universitaire de Paris, de 1957 à 1959. José-Luis Sert, doyen de la section d'urbanisme à l'université d'Harvard, impose Le Corbusier pour le centre Carpenter consacré aux arts visuels, projeté en 1959 et terminé en 1965. Les anciens étudiants nippons de l'atelier, Mayekawa et Sahakura, l'invitent à Tokyo construire le musée d'art occidental. Le Corbusier, figure internationale de l'architecture, passe ainsi de nombreuses semaines chaque année dans les avions et les aéroports.
La fin des années cinquante est douloureuse. Il perd les deux femmes qui comptaient le plus dans sa vie, son épouse le 5 octobre 1957 puis sa mère début 1959. Mais Le Corbusier en privé ne s'enferme que pour créer. Il cultive l'amitié, on le voit copain avec André Malraux. Lorsqu'il réside à Paris, il passe en matinée à l'atelier pour accomplir ses obligations avec sa secrétaire et répondre aux sollicitations des collaborateurs et visiteurs. Mais l'après-midi il trouve refuge dans l'activité artistique dans son appartement-terrasse situé rue Nungesser et Coli. Il prend invariablement au minimum un mois de délassement estival dans son cabanon, en compensation de ses nombreux voyages et déplacements lointains.
Ce sportif amaigri par l'âge meurt le 27 août 1965, à l'âge de 77 ans, à la suite d'un malaise cardiaque au cours de sa séance quotidienne de natation en Méditerranée, plage du Buse, située près du cabanon, à Roquebrune-Cap-Martin. Après de grandioses obsèques nationales dans la cour du Louvre, orchestrées par le ministre André Malraux, il est simplement enterré sur un promontoire de Roquebrune avec sa femme. Le sobre monument funéraire en béton à double forme dans le cimetière Saint-Pancrace à Roquebrune est de sa conception : une plate-forme horizontale de gravier est couverte de dalles de béton : celle de droite est ornée de l'empreinte d’un coquillage et scellée de la croix que sa femme ne quittait jamais. Un cylindre blanc, rappelant les formes pures que Le Corbusier affectionnait, complète la composition. La dalle de gauche est ornée d’une épitaphe émaillée aux couleurs vives qui représentent un coucher de soleil à l'horizon sur la mer30.
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We don't care the People Says , Rock 'n' roll is here to stay - Danny & the Juniors - 1958
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