Violent days - Lucile Chaufour - 2009
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Violent days - Lucile Chaufour - 2009
J'ai une sympathie particulière pour ce film se plaçant entre reportage et fiction, un des rares (voir le seul) qui retranspose avec une certaine justesse le monde des amateurs de rock 'n' roll en France, avec ce film j'étais dans "mon monde" avec ce qu'il peu avoir de génial et quelques peu mélancolique.
Trois ouvriers franciliens amateurs de rockabilly ainsi que la copine de l’un d’entre eux entreprennent un voyage au Havre pour voir un concert.
Violent days est un film qui oscille entre documentaire et fiction sans qu’on puisse le réduire à l’une ou l’autre de ces deux catégories.
Pour le meilleur et pour le pire, il y a d’abord une intention sociologique dans la démarche de Lucile Chaufour.
Le meilleur, ce sont les interviews des rockers façon Strip-tease; des propos éclatants de vérité nue souvent montés en voix-off qui donnent un ancrage réaliste au film. Ils parlent de leur travail aliénant à l’usine, de leur passion pour le rockabilly, de leur fascination pour une certaine Amérique, de leur famille aussi.
Le pire, c’est le déterminisme bourdieusien présent sans être explicité. Le film n’est heureusement pas un exposé sociologique sur les banlieues prolétaires mais du coup l’absence d’explication sérieuse, de prise en compte des éléments pouvant éventuellement contredire la vision désespérée de la cinéaste donne au film un côté « Les gauchistes parlent aux gauchistes » assez désagréable. Autrement dit: le discours est bien là mais puisqu’on est entre gens de bonne compagnie, on a pas besoin de montrer en quoi il est vrai.
Ceci étant, cette intention que l’on imagine préalable au tournage est peu importante par rapport à la magnifique justesse avec laquelle Lucile Chaufour filme ses protagonistes. Sans mépris, sans complaisance mais avec une certaine dose d’humour, elle les écoute (c’est la partie Strip-tease de Violent days) et en fait les personnages d’un superbe road-movie en Noir&blanc (c’est la partie fiction). Façon pour elle de les projeter dans leur idéal de cinéma américain. De plus, l’absence de contextualisation temporelle les situe dans une sorte de réalité éternelle. Enfin, la bande-son hypnotique, la lumière charbonneuse et surtout le visage incandescent de la magnifique Serena Lunn dont le personnage vulnérable est le sublime et nécessaire contrepoint de l’ambiance macho achèvent de faire de la projection de Violent days une expérience fascinante.
Ce poème rock&roll sur les illusions d’évasion de certains prolétaires figure parmi ce que le cinéma français a produit de plus vivant, de plus original et de plus beau ces quinze dernières années.
Critique venu de ce site:
http://films.nonutc.fr/2010/07/
Trois ouvriers franciliens amateurs de rockabilly ainsi que la copine de l’un d’entre eux entreprennent un voyage au Havre pour voir un concert.
Violent days est un film qui oscille entre documentaire et fiction sans qu’on puisse le réduire à l’une ou l’autre de ces deux catégories.
Pour le meilleur et pour le pire, il y a d’abord une intention sociologique dans la démarche de Lucile Chaufour.
Le meilleur, ce sont les interviews des rockers façon Strip-tease; des propos éclatants de vérité nue souvent montés en voix-off qui donnent un ancrage réaliste au film. Ils parlent de leur travail aliénant à l’usine, de leur passion pour le rockabilly, de leur fascination pour une certaine Amérique, de leur famille aussi.
Le pire, c’est le déterminisme bourdieusien présent sans être explicité. Le film n’est heureusement pas un exposé sociologique sur les banlieues prolétaires mais du coup l’absence d’explication sérieuse, de prise en compte des éléments pouvant éventuellement contredire la vision désespérée de la cinéaste donne au film un côté « Les gauchistes parlent aux gauchistes » assez désagréable. Autrement dit: le discours est bien là mais puisqu’on est entre gens de bonne compagnie, on a pas besoin de montrer en quoi il est vrai.
Ceci étant, cette intention que l’on imagine préalable au tournage est peu importante par rapport à la magnifique justesse avec laquelle Lucile Chaufour filme ses protagonistes. Sans mépris, sans complaisance mais avec une certaine dose d’humour, elle les écoute (c’est la partie Strip-tease de Violent days) et en fait les personnages d’un superbe road-movie en Noir&blanc (c’est la partie fiction). Façon pour elle de les projeter dans leur idéal de cinéma américain. De plus, l’absence de contextualisation temporelle les situe dans une sorte de réalité éternelle. Enfin, la bande-son hypnotique, la lumière charbonneuse et surtout le visage incandescent de la magnifique Serena Lunn dont le personnage vulnérable est le sublime et nécessaire contrepoint de l’ambiance macho achèvent de faire de la projection de Violent days une expérience fascinante.
Ce poème rock&roll sur les illusions d’évasion de certains prolétaires figure parmi ce que le cinéma français a produit de plus vivant, de plus original et de plus beau ces quinze dernières années.
Critique venu de ce site:
http://films.nonutc.fr/2010/07/
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Re: Violent days - Lucile Chaufour - 2009
Avant de trouver le chemin de la distribution en salles, Violent Days a voyagé plusieurs années autour du monde, de festivals en festivals (dont, dès 2004, EntreVues à Belfort, où il obtint le Grand Prix). Si elle a tout de l’OVNI cinématographique, la proposition de Lucile Chaufour a bien d’autres qualités à faire valoir que celles d’une bête de foires un peu monstrueuse : un film rare et dense, duquel émerge puissance et mélancolie.
À quoi ressemble Violent Days ? Certainement pas à la série Happy Days (souvenez-vous du charismatique Fonzie ou de Richie, le niais interprété par Ron Howard), fameux programme du petit écran. Et pourtant, il pourrait bien y avoir là de la part de Lucile Chaufour une boutade et un clin d’œil ; pour évidemment mieux prendre le contre-pied exact d’une entreprise télévisuelle de divertissement formatée et lisse. Car on est en présence d’un objet rugueux, aussi bien en matière de cinéma que de regard sur le monde. Violent Days est une plongée chez les rockers, des vrais, des durs. On découvre un groupe d’amis dans un appartement, trois gars et une fille blonde platine, devant un monticule de kro et dans une ambiance rock’n’roll quoiqu’un peu no future. Une des bouches pâteuses tente de pousser la chansonnette en version originale. Si l’on passe ensuite au français, la diction s’avère toujours aussi hésitante.
Le film pourrait être l’équipée un peu sauvage (en Renault 18 s’il vous plaît !) de ce quatuor en direction du Havre pour y assister à un concert. Mais un dispositif documentaire vient rapidement s’intégrer à cette partie fictionnelle. Parfois à l’image, souvent par le son, on y évoque le phénomène des bandes des banlieues, des communautés qui avaient la condition ouvrière (« On tapait du bourgeois » dit l’un des intervenants) et le rock comme ferments, avec bastons, picole et belles nénettes pour trinité. Les media inventèrent en 1959 l’expression « blousons noirs » pour évoquer ces jeunes voyous réunis dans des bandes rivales qui saccageaient et s’affrontaient allègrement. Toujours dans les bons coups, Maurice Papon, alors préfet de Paris, se demande alors s’il ne faut pas interdire le rock’n’roll.
Entre cette fiction qui se joue et cette part documentaire, Lucile Chaufour organise des frontières très floues, le spectateur doit faire avec. Un dispositif qui, autour de la question du réel et de et son simulacre, aurait à voir avec Close Up de Kiarostami et Peter Watkins. Également avec Cassavetes (le noir et blanc granuleux est une citation évidente de Shadows) ou le Godard tendance sociologue de la seconde moitié des années 1960, particulièrement Masculin féminin et Deux ou trois choses que je sais d’elle. Ici, les deux registres, documentaire et fiction, se répondent pour former, l’un pour l’autre, une chambre d’écho ; même si le documentaire amplifie davantage la fiction que le contraire. Cet enchâssement ne peut donc être tenu pour une coquetterie, il permet de dresser tout un pan d’une histoire socio-culturelle aux résonances politiques très fortes : un kaléidoscope de la jeunesse ouvrière de banlieue et de sa condition, la question du racisme, les rapports hommes-femmes, notamment avec le portrait de cette Marilyn aliénée superbement interprétée par Serena Lunn. D’une beauté hollywoodienne éclatante, elle est sans doute en devenir, à moins d’une hypothétique sortie de milieu, l’une de ces matrones fatiguées que l’on entrevoit par ailleurs. Plus indirectement politique, mais aussi plus subtilement, est le lien aux mythes et au rêve entretenu par les protagonistes, aussi bien dans la fiction que dans le documentaire. Il est ici question de l’Amérique, de sa musique et de son cinéma (particulièrement ses blondes), comme terre promise inaccessible, mais une part de rêve qui rendrait supportable une existence dont les perspectives peu enviables se situent entre aliénation et déterminismes sociaux, avant de déboucher sur les désirs les plus normés : un pavillon, un grand jardin. Comme dans Happy Days…
Si tout semble d’abord limpide au niveau temporel, on est progressivement le sujet d’un brouillage d’ordre chronologique. La certitude de se trouver à la fin des années 1970 ou au début des années 1980 se trouve progressivement fragilisée, surtout lors de ce concert au Havre. Lucile Chaufour organise une mise à plat temporelle d’environ trois décennies (grosso modo de la fin des années 1970 au début du XXIe siècle), notamment en mettant en présence ces rockers blancs-becs avec des immigrés africains. Variation du contenu social d’un espace, lutte pour l’occupation d’un territoire, c’est sans doute encore en direction du cinéma américain qu’il faut lorgner. Particulièrement vers Sam Peckinpah, ses westerns mais pas seulement. Ici aussi on tourne autour de l’idée d’un changement de paradigme dont on retiendra, pour les uns comme les autres, le goût âcre et poignant d’un héroïsme pathétique.
Arnaud Hée
critique venu du site:
http://www.critikat.com/Violent-Days.html
À quoi ressemble Violent Days ? Certainement pas à la série Happy Days (souvenez-vous du charismatique Fonzie ou de Richie, le niais interprété par Ron Howard), fameux programme du petit écran. Et pourtant, il pourrait bien y avoir là de la part de Lucile Chaufour une boutade et un clin d’œil ; pour évidemment mieux prendre le contre-pied exact d’une entreprise télévisuelle de divertissement formatée et lisse. Car on est en présence d’un objet rugueux, aussi bien en matière de cinéma que de regard sur le monde. Violent Days est une plongée chez les rockers, des vrais, des durs. On découvre un groupe d’amis dans un appartement, trois gars et une fille blonde platine, devant un monticule de kro et dans une ambiance rock’n’roll quoiqu’un peu no future. Une des bouches pâteuses tente de pousser la chansonnette en version originale. Si l’on passe ensuite au français, la diction s’avère toujours aussi hésitante.
Le film pourrait être l’équipée un peu sauvage (en Renault 18 s’il vous plaît !) de ce quatuor en direction du Havre pour y assister à un concert. Mais un dispositif documentaire vient rapidement s’intégrer à cette partie fictionnelle. Parfois à l’image, souvent par le son, on y évoque le phénomène des bandes des banlieues, des communautés qui avaient la condition ouvrière (« On tapait du bourgeois » dit l’un des intervenants) et le rock comme ferments, avec bastons, picole et belles nénettes pour trinité. Les media inventèrent en 1959 l’expression « blousons noirs » pour évoquer ces jeunes voyous réunis dans des bandes rivales qui saccageaient et s’affrontaient allègrement. Toujours dans les bons coups, Maurice Papon, alors préfet de Paris, se demande alors s’il ne faut pas interdire le rock’n’roll.
Entre cette fiction qui se joue et cette part documentaire, Lucile Chaufour organise des frontières très floues, le spectateur doit faire avec. Un dispositif qui, autour de la question du réel et de et son simulacre, aurait à voir avec Close Up de Kiarostami et Peter Watkins. Également avec Cassavetes (le noir et blanc granuleux est une citation évidente de Shadows) ou le Godard tendance sociologue de la seconde moitié des années 1960, particulièrement Masculin féminin et Deux ou trois choses que je sais d’elle. Ici, les deux registres, documentaire et fiction, se répondent pour former, l’un pour l’autre, une chambre d’écho ; même si le documentaire amplifie davantage la fiction que le contraire. Cet enchâssement ne peut donc être tenu pour une coquetterie, il permet de dresser tout un pan d’une histoire socio-culturelle aux résonances politiques très fortes : un kaléidoscope de la jeunesse ouvrière de banlieue et de sa condition, la question du racisme, les rapports hommes-femmes, notamment avec le portrait de cette Marilyn aliénée superbement interprétée par Serena Lunn. D’une beauté hollywoodienne éclatante, elle est sans doute en devenir, à moins d’une hypothétique sortie de milieu, l’une de ces matrones fatiguées que l’on entrevoit par ailleurs. Plus indirectement politique, mais aussi plus subtilement, est le lien aux mythes et au rêve entretenu par les protagonistes, aussi bien dans la fiction que dans le documentaire. Il est ici question de l’Amérique, de sa musique et de son cinéma (particulièrement ses blondes), comme terre promise inaccessible, mais une part de rêve qui rendrait supportable une existence dont les perspectives peu enviables se situent entre aliénation et déterminismes sociaux, avant de déboucher sur les désirs les plus normés : un pavillon, un grand jardin. Comme dans Happy Days…
Si tout semble d’abord limpide au niveau temporel, on est progressivement le sujet d’un brouillage d’ordre chronologique. La certitude de se trouver à la fin des années 1970 ou au début des années 1980 se trouve progressivement fragilisée, surtout lors de ce concert au Havre. Lucile Chaufour organise une mise à plat temporelle d’environ trois décennies (grosso modo de la fin des années 1970 au début du XXIe siècle), notamment en mettant en présence ces rockers blancs-becs avec des immigrés africains. Variation du contenu social d’un espace, lutte pour l’occupation d’un territoire, c’est sans doute encore en direction du cinéma américain qu’il faut lorgner. Particulièrement vers Sam Peckinpah, ses westerns mais pas seulement. Ici aussi on tourne autour de l’idée d’un changement de paradigme dont on retiendra, pour les uns comme les autres, le goût âcre et poignant d’un héroïsme pathétique.
Arnaud Hée
critique venu du site:
http://www.critikat.com/Violent-Days.html
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Re: Violent days - Lucile Chaufour - 2009
Écrit et réalisé par Lucile Chaufour - France 2004 1h44mn - Avec Serena Lunn, Frédéric Beltran, Franck Musard, François Mayet et les groupes Flying Saucers, Bad Crows, Hilbilly Cats... Grand Prix du Festival Entrevues de Belfort.
Détruire un à un ses préjugés contribue à grandement progresser dans la vie. Il y a des cas emblématiques : Yann Arthus-Bertrand, l’ancien adepte du Paris Dakar, est devenu un gourou de l’écologie. L’ancien trotskiste défenseur des classes populaires Julien Dray avoue désormais une passion pour les Rolex… Moi mon préjugé à moi au milieu des années 80, quand j’étais un jeune punk des cités, se concentrait sur les adeptes du rockabilly. Avec leur drapeau sudiste, leur fascination débile pour l’Amérique des années 50 (celle du sénateur McCarthy, de la peur des communistes et des grosses bagnoles qui engloutissaient le pétrole du Tiers Monde), moi et mes potes anars on les prenait vraiment pour des dégénérés alcoolos qui fantasmaient sur des petits noirs brûlant sur des croix du Klu Klux Klan. En fait depuis j’avais gardé au fond ce vieux préjugé un peu édulcoré.
Et puis le merveilleux film de Lucile Chaufour est arrivé. Non seulement le film remet les pendules à l’heure sur la culture rockabilly pour tous les mécréants comme moi, la rendant passionnante sans tomber dans l’angélisme. Et en plus il s’avère être un des films formellement et politiquement les plus passionnants que le cinéma français trop souvent téléphoné nous ait livré ces dix dernières années. Sa trame est aussi simple que surprenante, mêlant de manière inextricable fiction et documentaire. Trois potes parisiens et une fille, sosie diaphane de Marylin, décident d’aller dans leur voiture brinquebalante au Havre assister à un concert que donnent plusieurs groupes rockabilly. Le conducteur conduit comme un malade, parce que le risque en voiture fait partie depuis James Dean et sa Fureur de Vivre de la culture rockab. Arrivés au Havre, la fille insiste pour aller à la plage avant le concert malgré les ronchonnades des garçons. Puis arrive le moment du concert où se retrouve tout ce qui porte une banane, une redingote ou une robe à pois en Haute-Normandie.
Et c’est là que le film devient passionnant. Brisant le rythme porté par la vitesse des voitures et des motos, l’énergie de la musique, ou la tension de la bagarre qui se prépare (que serait un vrai concert sans bagarre ?), Lucile Chaufour réalise des interviews d’authentiques fans de rockabilly havrais, dans une démarche proche du génial réalisateur anglais Peter Watkins (La Bombe, Punishment Park, Edvard Munch, etc.). Et bien au-delà de la romance musicale, Violent days devient un film politique passionnant et une réflexion inégalée sur le rock. On y découvre un monde d’ouvriers qui ne sont pas forcément les pauvres tels que les dominants les espèrent (soumis et fiers de leur condition), des ouvriers qui au contraire gardent une rage jamais éteinte, une rage qui s’exprime le samedi soir, en musique ou en baston. Parce que, faut-il le rappeler, le rock est une musique de losers désespérés qui se détruisent (Gene Vincent, Hank Williams, Eddie Cochran ont tous mal fini).
Lucile Chaufour analyse parfaitement par ailleurs le difficile rôle des femmes et leur lucidité, ces femmes souvent condamnées à jouer les potiches sur le banc au bord de la piste, quand leurs mecs ont un coup dans le nez. Des femmes souvent vraies ou fausses blondes qui font semblant de croire au prince charmant qui ressemblerait à la réincarnation de Gene Vincent. Ce sont d’ailleurs clairement les femmes qui sont les vraies héroïnes de ce film dans un monde encore majoritairement masculin, à l’image de Serena Lunn, qui fait irrésistiblement penser à la Marylin de The Misfits et dont la fascination est renforcée par un noir et blanc splendide.
Critique du site:
http://www.cinemas-utopia.org/saintouen/index.php?id=640&mode=film
Détruire un à un ses préjugés contribue à grandement progresser dans la vie. Il y a des cas emblématiques : Yann Arthus-Bertrand, l’ancien adepte du Paris Dakar, est devenu un gourou de l’écologie. L’ancien trotskiste défenseur des classes populaires Julien Dray avoue désormais une passion pour les Rolex… Moi mon préjugé à moi au milieu des années 80, quand j’étais un jeune punk des cités, se concentrait sur les adeptes du rockabilly. Avec leur drapeau sudiste, leur fascination débile pour l’Amérique des années 50 (celle du sénateur McCarthy, de la peur des communistes et des grosses bagnoles qui engloutissaient le pétrole du Tiers Monde), moi et mes potes anars on les prenait vraiment pour des dégénérés alcoolos qui fantasmaient sur des petits noirs brûlant sur des croix du Klu Klux Klan. En fait depuis j’avais gardé au fond ce vieux préjugé un peu édulcoré.
Et puis le merveilleux film de Lucile Chaufour est arrivé. Non seulement le film remet les pendules à l’heure sur la culture rockabilly pour tous les mécréants comme moi, la rendant passionnante sans tomber dans l’angélisme. Et en plus il s’avère être un des films formellement et politiquement les plus passionnants que le cinéma français trop souvent téléphoné nous ait livré ces dix dernières années. Sa trame est aussi simple que surprenante, mêlant de manière inextricable fiction et documentaire. Trois potes parisiens et une fille, sosie diaphane de Marylin, décident d’aller dans leur voiture brinquebalante au Havre assister à un concert que donnent plusieurs groupes rockabilly. Le conducteur conduit comme un malade, parce que le risque en voiture fait partie depuis James Dean et sa Fureur de Vivre de la culture rockab. Arrivés au Havre, la fille insiste pour aller à la plage avant le concert malgré les ronchonnades des garçons. Puis arrive le moment du concert où se retrouve tout ce qui porte une banane, une redingote ou une robe à pois en Haute-Normandie.
Et c’est là que le film devient passionnant. Brisant le rythme porté par la vitesse des voitures et des motos, l’énergie de la musique, ou la tension de la bagarre qui se prépare (que serait un vrai concert sans bagarre ?), Lucile Chaufour réalise des interviews d’authentiques fans de rockabilly havrais, dans une démarche proche du génial réalisateur anglais Peter Watkins (La Bombe, Punishment Park, Edvard Munch, etc.). Et bien au-delà de la romance musicale, Violent days devient un film politique passionnant et une réflexion inégalée sur le rock. On y découvre un monde d’ouvriers qui ne sont pas forcément les pauvres tels que les dominants les espèrent (soumis et fiers de leur condition), des ouvriers qui au contraire gardent une rage jamais éteinte, une rage qui s’exprime le samedi soir, en musique ou en baston. Parce que, faut-il le rappeler, le rock est une musique de losers désespérés qui se détruisent (Gene Vincent, Hank Williams, Eddie Cochran ont tous mal fini).
Lucile Chaufour analyse parfaitement par ailleurs le difficile rôle des femmes et leur lucidité, ces femmes souvent condamnées à jouer les potiches sur le banc au bord de la piste, quand leurs mecs ont un coup dans le nez. Des femmes souvent vraies ou fausses blondes qui font semblant de croire au prince charmant qui ressemblerait à la réincarnation de Gene Vincent. Ce sont d’ailleurs clairement les femmes qui sont les vraies héroïnes de ce film dans un monde encore majoritairement masculin, à l’image de Serena Lunn, qui fait irrésistiblement penser à la Marylin de The Misfits et dont la fascination est renforcée par un noir et blanc splendide.
Critique du site:
http://www.cinemas-utopia.org/saintouen/index.php?id=640&mode=film
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Re: Violent days - Lucile Chaufour - 2009
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Re: Violent days - Lucile Chaufour - 2009
D'autres témoignages du film
« Je suis né à Clichy, quinze ans, et puis banlieue nord, Val d’Oise, Ermont... J’ai été à l’école jusqu’à quoi ?
14 ans ? Après j’étais en CET, 4 ans de lycée technique... A 17 ans, j’ai commencé à bosser, ça fait dix ans.
Maintenant, je dépanne tout c’qui est distributeur automatique, café, boissons fraîches, friandise (...) La
retraite ? Ils ont bossé jusqu’à 62 / 63 ans, ça fait 40 ans qu’ils bossent... ils se retrouvent sans rien... ils se
retrouvent dans leur “appart” et, au bout de deux mois, ils se font chier... alors toutes les semaines ils
reviennent à l’atelier, et puis ils attendent la mort, c’est tout... Déjà, j’ai pas envie de finir comme eux, je
finirai peut-être pire, mais bon... la vie qu’ils ont, tu te dis, si je fais comme eux, c’est pas la peine... Si j’avais
pas la musique, je sais pas ce que je ferais dans la vie, je m’accroche à ça... sans ça... la vie que j’ai... »
...........................................................................................................................................................
« J’avais 14 ans, c’tait à Gennevilliers où t’as toutes les cités et à l’époque, c’était que des rockers dans les
cités ; j’arrive à l’école, plein d’rockers et tout, et pis à l’époque, soit qu’t’étais rocker, t’avais pas d’problème,
ou soit qu’étais pas rocker et t’avais des problèmes, et pis bon, j’suis d’venu rocker... »
................................................................................................................................................................
« On monte dans la voiture et on va jusqu’au bout... c’était une vieille Opel toute pourrie, y avait plus de
direction, y avait plus de frein, elle était repeinte au rouleau, elle faisait un bruit d’enfer, c’est tout. C’était un
vrai danger public, mais bon, je l’aimais bien. On a fait peut-être 15 mille kilomètres avec, sans frein, sans
rien, sous la pluie, et puis on était contents... »
.....................................................................................................................................................................
« Mon grand-père... qu’est-ce que je peux en dire ? Il a travaillé toute sa vie à Citroën, deux ans de STO, il a
fini sa vie dans un truc pourri comme ici, et puis c’est tout... La fatalité ? C’est vrai, je crois que... je sais pas
comment expliquer ça, mais... c’est la logique des choses : quand t’es né
prol, je crois que tu finis prol... le
pire, c’est que tu crois toujours que ça va changer... mais plus les années passent, c’est même de pire en
pire... je sais pas comment expliquer ça... Depuis des années je me dis, ouais, j’aimerais bien sortir de ce
trou à rats, mais je me dis que dans 10 ans, je serais peut-être toujours là, à écouter mes
skeuds de
rock’n’roll... Qu’est-ce que je peux dire de plus ?... Si on voudrait, on pourrait... trouver une petite nana, avoir
des gosses, être en banlieue... ce que les gens appellent une vie tranquille... moi, ça m’intéresse pas. »
Dernière édition par Predicta le Jeu 13 Juin - 6:31, édité 1 fois
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Re: Violent days - Lucile Chaufour - 2009
« L’Amérique, en fait, c’est quelque chose qui n’existe pas… oui, ça existe, mais bon, c'était plutôt dans les
films, parce que la vie de tous les jours, ç’a jamais été facile… si tu regardes les films, tout ça, c’est la petite
famille heureuse avec la belle voiture 50’s, les enfants qui jouent dans les jardins, les drive-in, les bals… Je
voudrais bien me réveiller dans une ville comme il faut, quand je me réveille j’ai pas tellement envie de sortir,
je préfère rester dans mes rêves, dans mon monde, je préfère penser que dehors ou que quelque part ça
existe... J’ai du mal à accepter ça, qu’on puisse pas s’en sortir, qu’on puisse pas vivre un jour dans une
maison comme ça, avec une voiture comme ça, emmener les enfants à l’école dans un endroit vraiment
calme, paisible, marcher dans la rue sans trop de trafic, le soleil... »
......................................................................................................................................................................................
« La musique qui m'a vraiment claqué à la gueule, c'était le rock'n'roll, que ça soit Bill Haley,
Flying’Saucers, Elvis, bref, toute la panoplie, quoi… Tout le restant était vraiment tarte, super-tarte
par rapport à c’te musique-là. »
..........................................................................................................................................................................................
« Y avait des rockers le samedi soir et y avait beaucoup de clans de rockers. Y avait ceux des
Neiges, Bois de Bléville, la Main Rouge et puis les Pepicas. Ils arrivaient tous en bandes, mais
chacun avait sa bande. (…) Nous, à la Pépinière, ça c’est terminé quand Alain il a eu Eddie, et nous
on a eu Jessie. Moi, j’suis d’Porto, au Portugal. Après, j’ai mon copain Joao, d’une île portugaise qui
est Madère, puis Manuel. Déjà on s’connaissait gosse. On est tous nés au Portugal.
Nous, maintenant, on est ensemble parce qu’on est fanatiques des voitures américaines, enfin,
voitures des années 50. »
..........................................................................................................................................................................................
« Quand on avait un look de rocker à l’époque, c’était plutôt un look de voyou. C’était considéré
comme étant voyou par les parents. Fallait comprendre, ils connaissaient pas ce phénomène-là.
Déjà en France, dans les années 60, c’était mal vu, alors imagine, étant d’origine tunisienne, c’était
pas évident de se lancer là-d’dans.. »
films, parce que la vie de tous les jours, ç’a jamais été facile… si tu regardes les films, tout ça, c’est la petite
famille heureuse avec la belle voiture 50’s, les enfants qui jouent dans les jardins, les drive-in, les bals… Je
voudrais bien me réveiller dans une ville comme il faut, quand je me réveille j’ai pas tellement envie de sortir,
je préfère rester dans mes rêves, dans mon monde, je préfère penser que dehors ou que quelque part ça
existe... J’ai du mal à accepter ça, qu’on puisse pas s’en sortir, qu’on puisse pas vivre un jour dans une
maison comme ça, avec une voiture comme ça, emmener les enfants à l’école dans un endroit vraiment
calme, paisible, marcher dans la rue sans trop de trafic, le soleil... »
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« La musique qui m'a vraiment claqué à la gueule, c'était le rock'n'roll, que ça soit Bill Haley,
Flying’Saucers, Elvis, bref, toute la panoplie, quoi… Tout le restant était vraiment tarte, super-tarte
par rapport à c’te musique-là. »
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« Y avait des rockers le samedi soir et y avait beaucoup de clans de rockers. Y avait ceux des
Neiges, Bois de Bléville, la Main Rouge et puis les Pepicas. Ils arrivaient tous en bandes, mais
chacun avait sa bande. (…) Nous, à la Pépinière, ça c’est terminé quand Alain il a eu Eddie, et nous
on a eu Jessie. Moi, j’suis d’Porto, au Portugal. Après, j’ai mon copain Joao, d’une île portugaise qui
est Madère, puis Manuel. Déjà on s’connaissait gosse. On est tous nés au Portugal.
Nous, maintenant, on est ensemble parce qu’on est fanatiques des voitures américaines, enfin,
voitures des années 50. »
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« Quand on avait un look de rocker à l’époque, c’était plutôt un look de voyou. C’était considéré
comme étant voyou par les parents. Fallait comprendre, ils connaissaient pas ce phénomène-là.
Déjà en France, dans les années 60, c’était mal vu, alors imagine, étant d’origine tunisienne, c’était
pas évident de se lancer là-d’dans.. »
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Re: Violent days - Lucile Chaufour - 2009
j'ai jamais vu ce film mais on ma dit qu'il était tres bien
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Re: Violent days - Lucile Chaufour - 2009
Je l'ai vu est c'est vraiment une merveille ce film plein d'intelligence et de vérité et sans complaisances, enfin un regard interressant sur le monde du rock 'n' roll qui existe depuis plus d'un demi siècle en résistant aux modes, trouvant toujours de nouveaux adeptes.
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Re: Violent days - Lucile Chaufour - 2009
bah je le regarderais alors
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